L'exilé du temps by Pierre Barbet

Auteur:Pierre Barbet [Barbet, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: FNA 0392
Publié: 1969-01-21T23:00:00+00:00

CHAPITRE IX

L’appareil se déplaçait au ras du sol à vitesse modérée pour ne pas distancer son escorte. Chemin faisant, Setni pouvait constater que de grands changements avaient eu lieu depuis son départ pour Aliuth.

Les costumes des rares passants semblaient usés jusqu’à la corde et nombre d’entre eux portaient des déchirures réparées tant bien que mal.

A un carrefour, l’astrot aperçut avec étonnement un attelage d’hippars, provenant sans doute d’un zoo. Une équipe de Polluciens suivait la charrette, chargeant d’un air dégoûté les ordures ménagères.

Plus loin, un immeuble portait les traces d’un combat récent. Sa façade noircie, ses murs défoncés montraient que l’affaire avait été chaude.

Partout les robots déficients avaient été remplacés par de la main-d’œuvre humaine, mais les habitants de Kalapol, peu habitués à l’effort physique, mal nourris de surcroît, ne mettaient aucun enthousiasme à leur travail. Souvent même, des injures fusaient au passage du véhicule, prenant à partie le gouvernement et ses gardes.

Le cortège progressait lentement parmi les immondices jonchant le sol. Déjà la nuit tombait. Quelques rares rampes lumineuses s’allumèrent. Juste assez pour y voir un peu. Pendant un kilomètre, le cortège avança sans incident. Les soldats de l’escorte, inquiets, surveillaient chaque croisement de rue, et se faufilaient le long des murailles, jetant des coups d’œil inquiets aux fenêtres des immeubles. Soudain, les lumières se mirent à vaciller, puis s’éteigni-rent brusquement.

— Allons bon ! Encore une attaque, s’écria le conducteur du kinéso. Impossible de continuer, il faut nous poser.

— Allumez vos projecteurs ! s’exclama Setni.

— Je regrette, amiral, le black-out est de rigueur ; les gardes ont ordre de tirer sur toute source lumineuse.

— Ah ? Tant pis, je vais continuer à pied, le Galax n’est pas très loin…

La petite troupe reprit sa progression suivant les murs en les tâtant de la main pour ne pas se perdre. Maintenant l’obscurité était totale.

— Cela arrive souvent ? demanda l’astrot, je croyais que les centrales avaient été placées en parallèle.

— Presque chaque nuit, soupira un garde. Les champs perturbateurs deviennent de plus en plus intenses.

— Et les pillards en profitent ! intervint un autre.

Tant bien que mal, ils continuaient à marcher, trébuchant sur les détritus couvrant les rues, mais un nouvel incident survint, beaucoup plus grave : tous se sentirent saisis d’une oppression intense, respirant avec peine un air qui semblait soudain se raréfier.

— Ma parole ! râla Setni, on se croirait à cinq mille mètres d’altitude. L’atmosphère fiche le camp ! Pourquoi ne ferment-ils pas les portes du dôme ?

— Le mécanisme doit être bloqué…

— Sacrenom ! nous allons tous crever.

— Il faut trouver des scaphandres…

— Notre seule chance, c’est d’arriver jusqu’au Galax. Du nerf, les gars !

Un calme étrange régnait sur la cité. On ne voyait absolument rien d’anormal à travers la coupole de plastex recouvrant Ka-lapol, les constellations familières continuaient à luire doucement.

— Je n’en puis plus ! râla un garde, mes poumons vont éclater…

— Du courage ! Respire moins vite et à fond, souffla Setni.

Cependant, l’air faisait défaut de plus en plus. Le garde affolé se laissa tomber à terre, les mains crispées sur sa poitrine.

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